Les oreilles de Buster
Je suis incapable de me rappeler qui m'a recommandé ce livre, mais j'ai bien fait de suivre ce conseil.
Difficile cependant de vous en parler sans trop en dévoiler. Eva vient de fêter ses 56 ans, nous sommes mi-juin, et pour l'occasion, elle reçoit de sa petite fille, un journal intime. Elle n'a jamais écrit dans un journal intime, mais l'idée la séduit immédiatement, elle fait alors remonter à la surface tous les vieux souvenirs qu'elle avait enfouis. A 7 ans, elle avait décidé de tuer sa mère, à 17 ans, elle est passée à l'acte. Eva nous narre sa vie, celle d'aujourd'hui (le temps d'un été), faite de petits moments plutôt agréables, de bonheurs tranquille si l'on omet cette sourde hantise concernant les éventuels travaux sous ses chers rosiers, celle de son passé où l'on découvre une mère qui était à la fois belle, élégante, appréciée par ses collègues, et terriblement humiliante envers sa fille qui ne pouvait pas être à la hauteur de ses espérance. Un roman prenant, très bien écrit, côté plume, mais aussi par sa façon de distiller les différentes informations mettant en lumière le présent, les événements... Noir et lumineux à la fois, rempli de moments terribles, mais aussi de beauté, teinté d'un peu d'humour ici et là, juste ce qu'il faut, une belle psychologie des personnages. J'ai vraiment pris du plaisir à le lire. Et pourtant, c'est le journal intime d'une meurtrière, mais sans lui pardonner son acte, on peut compatir, comprendre et lui trouver de nombreuses excuses et qualités... Il y est aussi question, dans le présent, du système de santé publique suédois à l'égard des anciens, qui est loin d'être un modèle du genre, d'ailleurs, cela semble être un problème en Finlande également (j'en saurai plus quand je lirai Les petits vieux d'Helsinki mènent l'enquête), si les écrivains se mettent à tirer cette sonnette d'alarme, c'est que cela ne va pas... les pays nordiques ne seraient-ils pas aussi idylliques qu'il y paraît ?
Les oreilles de Buster, Maria Ernestam
et sans rien dévoiler de l'histoire, puisqu'il s'agit d'un moment du présent, je vous livre un passage qui m'a bien fait rire :
- Les Rois mages, disait Petra, ces trois hommes qui sont venus faire des offrandes à Jésus, tu as parlé d'eux dans ton prêche l'autre jour. Tu sais à quoi ça m'a fait penser ? Eh bien si ça avait été des reines mages à la place, elles n'auraient pas fait des cadeaux qui ne servent à rien, de la myrrhe, de l'encens et je ne sais plus quoi. Non, d'abord, elles auraient demandé leur chemin pour arriver à temps et donner un coup de main pendant l'accouchement. Ensuite, elles auraient fait le ménage dans l'étable. Elles auraient apporté du linge propre, des habits, des couches et puis à manger. Et puis...
L'Aigle s'est penché vers elle à travers la table.
- Et après ? Qu'est-ce qui serait arrivé ? Eh bien je vais te le dire. A peine sorties de l'étable, elles se seraient mises à jacasser : "Les sandales de Marie ne vont pas avec sa tunique, le bébé ne ressemble pas du tout à Joseph, leur âne paraît bien usé, Joseph est sûrement au chômage, on ne va jamais récupérer le plat dans lequel on a apporté les boulettes de viande..." Et pour finir : "Marie, vierge ? C'est la meilleure de l'année ! Je la connais depuis l'école, celle-là, je ne vous dis pas le genre.."